Connaissez-vous Madame Thévenet ma voisine ? Elle connaissait tout sur tout, on la surnommait Julie Larousse. Sa blonde et longue chevelure faisait pâlir d'envie les commères qui arpentaient la cité emballées dans des robes « Tati ». Malgré mon jeune âge, lorsque je croisais son regard, elle réveillait des sensations que je ne connaissais pas. Sous son corsage apparaissaient par intermittence ce que j'appelais pudiquement des maracas, car lorsque je la croisais dans l'escalier les mouvements harmonieux de ses seins me rappelaient la musique jouée par les Mariachis.
Lorsqu'elle approchait de la porte de notre appartement, je me délectais d'entendre le bruit caractéristique de ses escarpins, mon cœur d'enfant encore vierge de tout sentiment amoureux ne comprenait pas le mécanisme des spasmes et les tremblements que je ressentais en me dirigeant vers le mécanisme d'ouverture.
Alors dressée devant moi, rapidement je tendais la main droite en signe de toute puissance et maladroitement je balbutiais quelques mots de bienvenue. Aussitôt mes parents criaient « Qui sait ? », je répondais fièrement « Madame Thévenet » d'une voix douce et rassurante. Je savais qu'elle me passerait rapidement la main dans les cheveux en signe de remerciement.
Ce rituel proche des gestes tendres de vieux amants me remplissait de joie.
Madame Thévenet me donnait tous les jeudis des cours de français car malheureusement à l'école j'avais des notes désastreuses en rédaction.
J'aimais sa présence et l'attendait chaque semaine impatiemment, aujourd'hui se mélange encore un sentiment étrange partagé entre amour charnel et amour d'apprendre. Peut-être qu'inconsciemment l'envie d'écrire résulte d'un savoureux mélange entre une revanche scolaire et le souvenir vivace de ma professeur de français.